Depuis un an, mon emploi est officiellement Scrum Master, et je suis de plus en plus désespéré de voir l’état de l’agilité en France et particulièrement la dénaturation qu’est faite du rôle de Scrum Master.
Qu’est ce qui fait d’un Scrum Master, un Scrum Master ? Quel est ce petit plus qui fait toute l’utilité et la beauté de cette posture ?
Laissez-moi vous exposer ma vision ‒très tranchée‒ pour débusquer un vrai Scrum Master, d’un Imposteur-Master (ou Scrumposter, ou Imposmateur, proposez votre mot).
Je ne parle pas du syndrome de l’imposteur
👮 Disclaimer : Je ne parle pas dans cet article de personnes qui ont le syndrome de l’imposteur, c’est-à-dire qui ne se voient pas aussi performant qu’ils le sont vraiment, ou tel qu’ils sont vu. Je parle des véritables imposteurs, qui travestissent le rôle.
Ô rage, ô désespoir !
Mon arrivée dans le “monde du travail de Scrum Master” fut donc un vrai choc. Le choc de voir ces consultants se vendre en tant que Scrum Master pour la seule raison d’avoir passé un QCM des plus simples, mais sans avoir la moindre étincelle du “mindset” nécessaire à faire ce job. Des Scrum-Masters-Chronomètre, comme je les appelle (voir en fin d’article).
Mais pourquoi de tel Scrum Masters existent ? À quoi cela est dû ? 😩
L’ignorance mène à la peur
Le Scrum Master ignorant
L’ignorance rend les personnes peureuses et dangereuses
Le Scrum Master ignorant (faux Scrum Master) c’est celui qui n’a rien compris à l’agilité. Il se contente généralement de faire en sorte que l’équipe utilise des Post-it, que tout le monde soit là pour les dailies, pour la revue (qui n’est souvent qu’une démo, sans utilisateur, faite au PO), pour la rétro et pour le planning.
Le Scrum Master ignorant, laisse souvent de côté l’accompagnement du Product Owner, les éléments du backlog ressemblent donc plus à des spécifications qu’à une invitation à la discussion.
Le Scrum Master ignorant est généralement un chef de projet qui a remplacé les termes classiques, par les termes de Scrum.
Il n’y a rien d’agile dans ce qu’il apporte à l’équipe et on se retrouve généralement avec une équipe qui trouve que l’agilité est dangereuse ou néfaste.
Généralement, ce type de Scrum Master est aussi la secrétaire de l’équipe (celui qui fait les compte-rendu) et/ou le point d’entrée de l’équipe pour toute discussion venant des managers ou de la hiérarchie (le Scrum Master étant souvent vu comme le manager de l’équipe).
Ce Scrum Master ignorant est pourtant de bonne foi. Lui.
Le Scrum Master de mauvaise foi
Pour celui qui est habitué aux mensonges, la vérité semble toujours suspecte.
‒ Bernard Werber, “La boîte de Pandore”
Il y a aussi l’autre type de faux Scrum Master ignorant. Celui qui, en plus de mettre en place tout ce qu’on vient de voir, sait que ce qui se passe n’est pas agile, mais trouve toutes les excuses du monde pour ne pas faire mieux :
- “Le client n’est pas prêt”
- “On ne peut pas dire ça au client”
- “Ce n’est pas le moment”
- etc.
Ce type de faux Scrum Master (ça fonctionne aussi pour tous les niveaux de “coach agile”) en est réduit à avoir peur de son ignorance. Il est terrifié car il voit parfaitement que son comportement est loin d’une approche agile, mais il ne sait pas comment faire autrement, donc, par peur de paraître incompétent, il refuse d’essayer. Ou de perdre du pouvoir.
Il empoisonne les équipes qui travaillent avec lui (ou souvent dans ce cas, pour lui). dans le seul but de ne pas être écarté de la mission.
💰 Le point commun de ces faux Scrum Masters est que généralement, ils sont certifiés. Et pourtant, ils passent complètement à côté de l’agilité. Vous trouverez en fin d’article un lien vers une réponse à un témoignage d’un dev vivant ça.
L’excellence technique est complètement oubliée
Comme l’a rappelé Martin Fowler (un des signataires du manifeste agile) il y a quelques semaines, Scrum a pris le parti de mettre la technique hors de son guide. Il est donc totalement logique que ces faux Scrum Masters l’oublient à leur tour.
Obnubilé à faire en sorte que le daily ne dure pas plus de quinze minutes, le faux Scrum Master laisse souvent le management contrôler et brimer les développeurs quant à la qualité du produit en empêchant les bonnes pratiques (pour cause de productivité, les bonnes pratiques, ça sera “pour plus tard”) ou en empêchant les développeurs de grandir (dans ce genre de cas, les dev sont considérés comme des pisseurs de code).
Conclusion
J’attribue une grande partie de cette tromperie au florissant business des certifications. Je peux d’autant en parler que j’en ai passé deux : PSM1 et CSM.
Attention, je ne dis pas que ces certifications sont dangereuses en elle-même (elles m’ont aidé dans ma recherche d’emploi de Scrum Master), mais elles jouent sur le fait de faire croire que deux jours de formations sont suffisants pour devenir Scrum Master.
Ces certifications sont justes adéquates pour former à une petite partie du rôle, qui est celui de Scrum-Master-Chronomètre, mais pas au travail le plus important : faire grandir l’humain.
En réponse à cela, de plus en plus de mouvements se créent prônant le retour aux sources, comme Heart Of Agile, d’Alistair Cockburn (un autre signataire du manifeste agile).
Pour ma part, j’essaye de me battre chaque jour contre cette fausse agilité, en essayant de leur faire prendre conscience de l’impact de leur positionnement et je n’hésite plus à vouloir les accompagner dans une remise en question profonde.
Maintenant que vous avez lu l’article, je vous invite à continuer sur le sujet avec ces quelques liens :
- Ma définition du Scrum-Master-Chronomètre
- Ma réponse au témoignage d’un dev qui se plaint de ce qu’il croit être Scrum
- Le post de Martin Fowler sur l’état de Scrum en 2018
- La réponse de Robert C. Martin sur le Crafts.wo.manship
- faux Agile par Ron Jeffries
- Heart Of Agile
- [Edit 18/10] ma vidéo FridayLabs avec N. Poste sur l’état de l’agilité